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  • christophedevareil

le "Réveilleur"

En général, comme ils sont peu diplômés, et souvent issus des cités, on considère les veilleurs de nuit comme des "agents de sécurité", dont on attend juste qu'ils fassent régner l'ordre, qu’ils "gardent des murs et des enfants qui dorment" me dit Karim, veilleur de nuit dans une structure de la protection de l’enfance.

Comment mieux rendre visible le travail de fourmi qu'ils et elles réalisent dans l'accompagnement personnel de chaque jeune au moment où, avec la nuit, la pression des activités de jour se relâche, et où remontent les anxiétés, les blessures de leur histoire, la peur du noir, de l'abandon, les besoins de lien, de confidence ?


Concrètement, ils ont très peu d'espaces de réunion avec les équipes de jour (ou pas du tout, parfois, on ne voit même pas l'enjeu de se réunir avec eux), et c'est parfois par note de service qu'on leur transmet ce qu'ils doivent faire et ne pas faire (Ne vous occupez pas des enfants, votre travail est de faire respecter le règlement et l'heure d’extinction des lumières), plusieurs n'ont pas accès aux groupes d'analyses des pratiques, alors qu'ils portent des situations lourdes, des questions importantes, et qu'ils sont souvent des interlocuteurs privilégiés et des modèles pour les enfants.


Et toujours, cette difficulté de reconnaissance de leur profession (dans le groupe que j’écoute, ils ne s'en plaignent pas, mais cela émerge des situations travaillées), et de leur rôle auprès des jeunes : leur travail est très peu visible des équipes de jour et parfois des hiérarchies.

Un autre point qui revient aussi régulièrement : comment faciliter leur évolution professionnelle et accompagner leurs projets de changement, souvent subtils et réalistes, mais freinés par leur absence de diplômes et l'étiquette "gardien" qui s'attache à leur poste ? Des parcours personnels tellement singuliers, une finesse et une attention à l'autre, à l'enfant, vraiment remarquables. Des intuitions d'une grande justesse.


Djibril, huit ans, ne veut pas se coucher avant l’arrivée du veilleur de nuit. Djibril parle mal le français, il a bien entendu les mots dont on nomme ce métier dans l’institution mais il s’en souvient mal. Quand il voit arriver Jean-Luc, la soixantaine cabossée, un sourire illumine son visage : « Ah c’est toi le réveilleur aujourd’hui ! »


Comment ce mot de #reconnaissance magnifique peut-il maintenant s’infuser dans le reste de l’institution ? Comment faire apparaître l'énorme part éducative de leur engagement auprès des jeunes ? En réalité, les interactions éducatives sont intenses, polyvalentes, sur énormément de sujets à la fois.


La #transformation des institutions passe par la révolution des regards.


(Henri Michaux - L'homme Invisible)


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